Le Helloc’h
Ce n’est pas au Danouet, comme on pourrait le croire, que débute le Concours Plin, mais dans la cour du manoir du Helloc’h, tout proche.
Organisé en 1975 par des anciens du Bagad et du Cercle de Bourbriac le premier concours remporte déjà un succès : « Le Helloc’h, capital du plin » titrait Ouest-France en 1975, dans un article de son correspondant local Michel Rivoilan. Dans la première génération de participants, on doit citer : Daniel Philippe et son compère de l’époque Yann Bars, mais aussi Michel Toutous, Jean Baron et Christian Anneix, Michel Pinc et Bernard Kerboeuf, les frères Philippe, Alan Huitol, André Thomas, Gildas Le Moal, Jacky Hetet et Jean-Elie Le Goff, etc.
Le Danouet des années 80 et 90
En 1980, le comité de quartier du Danouet, mené par Michel Diridollou, lui-même ancien du défunt cercle de Bourbriac, reprend l’organisation du concours. Le comité de Danouet organisait déjà une fête avec un fest-noz dans le but de restaurer la chapelle du quartier. C’est donc naturellement que la transition se fait.
De nombreux concours sont organisés tout au long de la journée. Les premiers prix des concours sont des moutons, dindons, canards ce qui vaudra à Michel Diridollou des remontrances de la Société Protectrice des Animaux. Les pauvres bêtes gagnées terminant parfois la journée attachées à la buvette ou rentrant le soir dans les sacoches d’une mobylette. Pourtant, les premiers prix n’ont pas tous eu une fin aussi tragique. J’ai connu un maout premier prix du concours des sonneurs qui n’a pas fini ses jours dans un congélateur. Le jeune sonneur, refusant de manger son prix, la gardé jusqu’à sa mort sur la pelouse, faisant office de tondeuse écologique.
Chez les sonneurs une nouvelle génération arrive, on peut citer parmi les plus assidus : Daniel Le Féon et son compère de l’époque, le regretté Philippe Becker, Gilles Léhard (que l’on retrouve aussi quelque fois à la clarinette et au chant), René Chaplain, Alain Michel, Yfig Castel et son compère Patrick Galopin, le couple Michel Savidan et Daniel Launay, etc. Le concours de sonneurs devient en 1991 éliminatoire pour la grande finale du Championnat de Bretagne des sonneurs de Gourin. L’enjeu du concours prend de l’importance, les sonneurs trégorrois mettant un point d’honneur à vouloir se qualifier au Danouet. Les fins de journées deviennent alors plus tendues à l’annonce des résultats.
Pendant les années 80 la treujenn gaol d’Iwann Thomas, accompagné par Jean-Claude Le Lay, nous éblouissait de sa virtuosité. Relancée en 1986 avec l’édition de l’album « Sonneurs de clarinette », la treujenn gaol va connaître un second souffle avec de nouveaux sonneurs : Éric Marchand, Dominique Jouve, Gaël Rolland, aujourd’hui relayés par Théo Rannou, Robert Jéhan, etc.
Chez les chanteurs, l’homme incontournable de la journée est bien sûr Marcel Guilloux, le Charles Trenet de la chanson bretonne. Le matin, il s’occupe du jury. Le midi, il rassemble les volontaires pour chanter pendant le repas. L’après-midi, il remplace au pied levé un compère défaillant pour le concours de kan ha diskan. Le soir, après une journée chargée, sans voix, il met un point d’honneur à terminer la journée par un passage sur scène pour un dernier plin avec un partenaire disponible. Impossible ici de nommer tous les chanteurs passés par le Danouet, il faut quand même citer les piliers du concours comme les trégorois Nanda et Ifig Troadeg, le trio Jan-Do Robin, Louis-Jacques Suignard, Claude Lintañf, le duo Marthe Vassalo et Ronan Gueblez membre du groupe de fest noz Leoned Fall et la paire Serge Nicolas et Thierry Rouaud, véritables bretons de Paris.
Dans les années 80, le Danouet a vu débuté tous les talents de la scène bretonne actuels. On se souvient du duo Annie Ébrel et Denez Prigent ou, à la même époque, des frères Guichen venant animer la journée de l’enfance, le groupe Ar Re Yaouank n’était pas encore né.
Au cours des années 90, c’est la nouvelle vague trégoroise qui déferle sur le Danouet. Sans complexe, issue du bagad de Pommerit-Le-Vicomte et du concours inter lycée de Lannion, ces jeunes musiciens apporteront du sang neuf. On se souvient par exemple de l’étonnement suscité à l’arrivée du groupe féminin Pipelodenn sur une scène plus tôt masculine.
Le Danouet aujourd’hui
Actuellement c’est une génération de jeunes issus de stages, de cours, animés par les premiers participants du Danouet qui arrivent. Gageons qu’ils sauront à leur tour transmettre leur savoir.
Que serait le Danouet sans son animateur-vedette Jef Philippe ?
Il connaît tout le monde, le curé, le maire, les chanteurs, les sonneurs, les cuisinières, les danseurs… pour chacun il a un petit mot sympathique. Il anime la journée depuis le matin avec messe en breton, jusqu’à la remise des prix à la fin d’une journée passée à battre le rappel des sonneurs, annoncer les danses, commençant ses phrases en breton les finissant en français et inversement.
Le soir c’est le koan vraz, ragoût des soirs de battage, cuit dans des chaudières à rutabagas qui attire plus de 1000 personnes. La veille, un fest-noz est organisé comme mise en jambe avec un concours de groupe toujours très suivi.
Le succès du Danouet tient aussi à sa salle. Plus proche du hangar agricole que du standard des salles des fêtes actuelles elle a connu et connaîtra encore longtemps des ambiances surchauffées. Elle valut à ses concepteurs bien des soucis. Après des années de fonctionnement sans problème, c’est la commission de sécurité qui demande des transformations. Ensuite, une autre commission décide que la salle, proche de la chapelle classée monument historique, enlaidit le site, un comble quand on sait que c’est justement l’organisation de fêtes dans cette salle qui a permis la restauration de la chapelle. C’est avec regret qu’à la fin des années 90, le fest-noz final a quitté cette salle mythique devenue trop exiguë, pour la formule du plein air qui semble aujourd’hui satisfaisante, quand il ne pleut pas.
Le Danouet c’est aussi des concours de boules acharnés, une affiche toujours très remarquée dessinée par Alain Goutal, une radio très impliquée dans la vie locale : Radio Kreiz Breiz. C’est encore chaque samedi avant noël le fest-noz nedeleg.
L’organisation d’une telle manifestation repose sur une association le « Comité du Danouet » qui était à l’origine constitué d’habitant du quartier. Aujourd’hui, l’équipe est aidée d’autres associations comme Diwan, Dastum, Gwelaran, auxquels on doit ajouter l’Office du Tourisme, le Conseil Général, la commune de Bourbriac qui apportent leurs aides financières ou techniques.
Le Danouet c’est une équipe de bénévoles que dirige Michel Diridollou, organisateur infatigable, aujourd’hui agriculteur à la retraite, qui contre vent et marée fournit depuis trente ans ses hangars, ses champs pour le parking, des journées de préparations et autant pour la remise en ordre les jours suivants. C’est sous son impulsion que le programme du Concours Plin du 15 août ira en s’étoffant jusqu’à devenir le « Festival Plin », au début des années 1980 avec concerts, veillés, expositions, stages, ballade découverte du pays, journée des enfants, pour se transformer aujourd’hui en « Semaine de la Culture et du Patrimoine ». Mais ici pas de surenchère, pas de gigantisme, pas de course à l’argent. Michel a su garder le cap, avec une organisation basée sur le bénévolat et la passion de défendre un patrimoine.
Le succès du « Danouet » est à chercher dans la convivialité, l’échange autour d’une culture, les rencontres où se mêlent plusieurs générations, ici pas de vedette, tout le monde est acteur : danseurs, sonneurs, bénévoles, chanteurs, boulistes, promeneurs, etc.
Christian Morvan – Extrait de “30 ans de Festival Plin”